Alors que les violences faites aux femmes sont dans tous les journaux, en Inde comme ailleurs, j’aimerais rappeler cette histoire qui date de 2004.
À Nagpur, dans le Maharastra, Usha Narayane s’apprêtait à vivre son rêve. À 25 ans, un diplôme en gestion hôtelière en poche, elle devait partir pour un poste de management dans un hôtel au Penjab. Ce travail allait la changer d’environnement géographique, mais aussi social. Car en effet, comme ses voisins, Narayane est une intouchable, tout en bas des castes. Pour dire même, sa jeunesse et son éducation, elle les a vécues dans un bidonville, à proximité de Nagpur. Son choix de ne pas se marier jeune n’a pas particulièrement attiré le respect de sa famille, mais elle préférait se concentrer sur ses études, visant plus loin qu’une vie de femme au foyer.
Aujourd’hui cependant, Naryane est aujourd’hui jugée à Nagpur.
Le 13 août 2004, elle a en effet participé au meurtre d’Akku Yadav. Elle, et 200 autres femmes, qui ont vengé 10 années de viols à répétition, tuant de 70 couts de couteau, au sein même du tribunal de Nagpur, celui qui les a si longtemps terrifiées.
Auparavant, toute femme qui venait porter plainte au commissariat recevait en échange des moqueries et des insultes. Pourtant, Akky Yadav et son gang ont terrorisé plus de 300 familles dans un même bidonville. Accusé même de 3 meurtres, il a toujours été relaché par la police locale qui préférait fermer les yeux.
Les viols étaient utilisés par le gang comme moyen de pression et d’humiliation. Malgré les difficultés à avouer un viol, des douzaines de femmes ont été au commissariat. Certaines ont été accusées en retour d’avoir eu une affaire avec Yakku Yaddav, d’autres ont eu comme commentaire d’être des filles trop faciles.
Nagpur est une ville qui se développe, comptant déjà 2.5 millions d’habitants. Lorsque la vengeance des femmes en plein tribunal a fait les unes déjà en 2004, les journaux abordaient les places difficiles des femmes et l’échec du gouvernement à protéger ceux qui en ont besoin. Même après avoir déposé plaintes, pendant 10 ans, le gang a pu continuer impunément à escroquer et violer les femmes du bidonville.
Même si Naryane n’était pas présente au tribunal au moment du meurtre, elle en a été accusé, en plus de crime d’antinationalisme. Toutes les femmes de lu bidonville se sont pourtant présentées au commissariat pour avouer, chacune à leur tour, avoir tué Akku Yadav. Mais la police a pris Naryane comme bouc émissaire. “Je n’ai pas peur, je n’ai pas honte. Nous avons fait une bonne chose pour la société. Nous verrons comme la société nous en remercie”.
Son jugement a commencé le 23 octobre 2012. La justice indienne étant ce qu’elle est, il est probable que nous y soyons encore dans 10 ans.
Pour aller plus loin, lire ce très beau texte de Jean-Joseph Boillot sur Libération Un nouveau regard pour comprendre l’Inde.
Avant de juger l’Inde avec un dédain qu’elle ne mérite pas, trois faits objectifs qu’il n’est pas inutile de rappeler
– si on rapporte le nombre de viols au nombre d’habitants ( nombre de viols pour 1000 femmes chaque année) il y a autant de viols en Europe qu’en Inde
– si on rapporte le nombre de femmes tuées par leur conjoint au nombre d’habitants, il y a autant de femmes assassinées en Europe qu’en Inde
– la semaine dernière en France, un homme a tué son épouse en lui frappant la tête contre le sol, alors que leurs deux enfants dormaient dans la pièce voisine. Il a reconnu les faits ….puis a été relâché car le droit français considère qu’il n’est pas dangereux pour l’ordre public et la société. Il va donc attendre son procès en liberté, libre de commettre d’autres violences contre les femmes
Kris
Vous remarquerez que je ne juge pas l’Inde. Cependant, l’accueil des femmes violées dans les commissariats est inacceptable, il y a clairement un problème de mentalité. Sans parler de la corruption, qui entrave la justice.
Kris Quénard, on ne peut pas rapporter tout ces chiffres par rapport à l’Europe, l’Inde comporte plus d’un milliard d’habitants (en plus de ceux qui ne sont pas forcément recensés dans les campagnes reculées) alors qu’en Europe ils sont un peu plus de 740 millions d’habitants. Ce n’est pas du tout comparable.
Mais il reste un problème qui est commun à toutes ces femmes, c’est qu’elles ne veulent pas et ne peuvent se résoudre à en parler. Et la justice ne les aide pas plus.